C’est assez rare pour un article de poser une question dont 99 % de ses lecteurs ont la réponse. Oui, Wall Street se nomme Wall Street car la rue longeait un mur, wall en anglais.

Mais c’est justement l’origine du nom qui fait débat. Les colons néerlandais avaient-ils appelé cette rue “Waal” avec deux a pour faire référence au mur — ou plutôt à la palissade de fortune érigée à partir de 1640 ? Il est moins sûr, car en néerlandais Waal avec deux a ne veut pas dire “mur”. La confusion sur les cartes et plans de l’époque pourrait provenir de straat, “la rue”, avec deux a. Mais en néerlandais du XVIIᵉ siècle, De Wal signifie la palissade, le mur, le rempart ou la digue, et ça, les historiens en sont sûrs.


Le débat sur l’origine du nom vient de la confusion entre Waal et Wal, car Waal avec deux a veut dire “Wallons”. Il est attesté que les Wallons ont été parmi les premiers colons de la Nouvelle-Amsterdam. Les Wallons sont les habitants francophones — c’est toujours le cas aujourd’hui — de ce qu’on appelait à l’époque les Pays-Bas espagnols, qui comprenaient en gros le Benelux et une petite partie de la Lorraine. Si les Wallons ont été parmi les premiers colons en Nouvelle-Hollande, c’est qu’ils fuyaient les persécutions religieuses et les guerres, dont la terrible Guerre de Trente Ans, qui a ravagé les terres de l’Est de la France jusqu’en Bohême.

Le lien entre De Waal Straat et les Wallons, on le doit à l’écrivain Washington Irving dans son livre Une Histoire de New York racontée par Dietrich Knickerbocker en 1809. Ce livre est avant tout une satire historique où l’auteur se moque de la ville et de ses habitants. Il se moque également des origines néerlandaises, perçues comme populaires et peu flatteuses, contrairement aux autres villes de la côte Est des États-Unis, qui ont des origines britanniques perçues comme nobles et raffinées. L’origine wallonne de Wall Street racontée par Irving devait sans doute être fausse dans le but de moquer les origines des premiers habitants de New York. Les anecdotes du livre sont avant tout fantaisistes, mais cela a créé un mythe, et les spécialistes s’accordent pour définir l’ouvrage comme le point de départ de la création d’une identité new-yorkaise.

Pour compléter, le fameux mur dont on parle n’était, pendant toute la période néerlandaise, qu’une simple palissade. Le mythe selon lequel cette palissade servait à se protéger des populations autochtones, les tribus lenapes, apparaît de moins en moins sûr au fil des recherches historiques. Cette palissade servait surtout à se protéger des autres nations européennes présentes sur le continent nord-américain.
L’Histoire de New York est pleine de mythe et légendes, ce simple malentendu linguistique couplé par une œuvre satirique majeur dans la littérature américaine suffit à façonner la confusion. Cela rappelle que l’Histoire évolue et celle de New York n’y échappe pas et ramène à ses origines complexes et passionnantes.


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